LinuxÉdu

Le logiciel fait-il la fonction ?

On a vendu l’Homo sapiens ….

Les plus anciens l’ont bien connu, avec tous ses crayons de couleurs, confortablement installé sous son auvent, depuis le meilleur emplacement de son camping GCU habituel, il préparait inlassablement ses emplois du temps pour la rentrée.

Et après, il fallait photocopier pour mutualiser, distribuer dans les casiers, négocier… bref, une horreur !

Pour racheter du Néandertal

Et maintenant … le néo chef d’établissement, ou adjoint,  ou « faisant fonction de »,  a son compte gmail. Il mutualise ses agendas via Google Apps sans trop se soucier des chartes d’usage, de la confidentialité des données ou des autres outils proposés par son institution. C’est bien car en plus c’est gratuit, contrairement à Libre/Open Office qui est forcément insuffisant et incomplet car … justement il est gratuit. Un économiste a mis un nom sur ce phénomène, c’est l’effet Veblen.

Dans l’académie de Toulouse, le jeune néo est gracieusement formé à EDT. Attendez, on revient en arrière. Oui, vous avez bien lu, les futurs chefs d’établissements sont formés par des agents de l’État à l’utilisation d’un logiciel d’un éditeur privé. On ne demande pas pourquoi, c’est comme cela, l’état de fait, c’était comme ça l’an dernier et l’année d’avant, etc… Certains anciens disent que c’était même avant le fameux décret de 1950. Imaginez !

Quand il arrive dans son établissement, bien sûr, il utilise l’outil sur lequel on l’a formé et, le cas, échéant, il le fait acheter. Dans le cas d’EDT (un des logiciels du marché) Il faut compter ……..€ d’acquisition plus ……..€ par an pour un lycée. Sur 5 ans, cela fait un coût de possession de …….€. Nous avons laissé des pointillés pour que vous fassiez le calcul par vous même. Voir ici pour un devis : http://www.index-education.com/fr/tarifs-edt3.php Dans l’académie de Toulouse, il y a plus de 300 établissements scolaires qui utilisent, par exemple, EDT : http://www.index-education.com/fr/clients-edt-27.php

Bon, jusque là pas de problèmes, c’est la vie. Cela représente tout de même un montant approximatif de plus de ……… d’euros que pour cette académie consacré aux emplois du temps. Si on essaye d’estimer le montant annuel global en France, on aurait largement de quoi rémunérer des développeurs talentueux pour faire un logiciel d’emploi du temps libre et gratuit. L’argent public ne devrait financer que des logiciels ou ressources « publiques », c’est à dire libres dans notre contexte. Mais là, certains disent que c’est de l’idéologie alors revenons aux problèmes, très concrets, induits par ce « modèle ».

Quand on passe des heures à préparer un emploi du temps, à faire des groupes d’élèves, on doit se poser la question de l’usage des données générées… Il s’agit, ne l’oublions pas, de données générées par un agent de l’État dans le cadre d’une mission de service public…

Rappelons deux items que l’on retrouve dans le B2i niveau 1:

  • L’élève sait rechercher et sélectionner un logiciel ou service approprié au traitement d’un fichier donné.
  • Il sait modifier le format d’enregistrement d’un fichier (faire un autre choix que celui proposé par défaut)
Voila, faire un autre choix que celui par défaut. C’est tout simplement rendu impossible avec certains logiciels d’emploi du temps.

Des données cryptées

Certaines données sont encapsulées, voire volontairement cryptées, pour ne pouvoir être utilisables uniquement qu’avec le dit logiciel. Et si d’aventure, on souhaite utiliser un logiciel de gestion des notes ? Seul celui fourni justement par ce même éditeur sera compatible. Ici on voit bien la différence entre « compatible » et (attention gros mot), « interopérable ».
Menottes (source : Wikipédia)
Un logiciel d’emploi du temps (comme EDT, 12temps…) est nécessaire au bon fonctionnement d’un établissement. Ceci dit certains chefs d’établissements font encore l’emploi du temps avec des fiche T sur un tableau comme ci-dessous mais vu la charge de travail et la complexité croissante, cette méthode est de moins en moins tenable.
Il en faudrait plusieurs comme celui-ci

En plus, il en faudrait plusieurs comme celui-ci !

On plonge ainsi dans tout un écosystème de logiciels qui ne sont interopérables qu’avec ceux du même éditeur sans réelle possibilité de choix : gestion des notes, des absences, le cahier de texte, le socle commun, le B2i et d’autres services.
Mis à part les notes et les absences, tous les autres service sont pris en charge par l’ENT donc certains doublonnent. Notons d’ailleurs qu’il est pour le moins étonnant que les développeurs de l’ENT seraient incapables de faire un logiciel de notes ou d’absences… Ils ne peuvent pas ou ne veulent pas ? Y-a-t-il eu une « entente » entre ces deux éditeurs ? Un pacte de non agression commerciale ? Autre chose ? Nous, citoyens, aimerions bien savoir comment sont utilisés les deniers publics.
Revenons à notre emploi du temps. Que se passe-t-il quand des collectivités réunies dans un effort conjoint de rationalisation décident de mettre en place un Espace Numérique de Travail (ENT), qui a nécessairement besoin des données de l’emploi du temps pour pouvoir fonctionner ?
Et bien, croyez-vous que le gentil éditeur du logiciel d’emploi du temps fourni les données directement ? Vous savez, ce sont celles qui sont cryptées. On peut penser que oui… ou pas.

Interopérable oui mais qu’avec nos « partenaires »

Lors de la mise en place de l’ENT, il  aura fallu une année pour que les deux sociétés (ENT et emploi du temps) se mettent d’accord sur un fichier d’échange… Un an. Que s’est-il passé pendant un an alors qu’il suffit d’échanger, parait-il, de simples fichiers XML ? Des négociations ? La capture d’écran ci-dessous extraite du site d’un des éditeurs de logiciel d’emploi du temps évoque, de façon évasive, un partenariat… Bigre un partenariat ?
 
Il faut que l'éditeur d'ENT soit "partenaire"...

Il faut que l’éditeur d’ENT soit « partenaire »…

 
Autre soucis, mais c’est un détail, lorsque un chef d’établissement fait une mise à jour du logiciel qui génère les emplois du temps, est-ce que le format d’export vers l’ENT est toujours compatible ? Visiblement, selon nos informations, ce n’est pas toujours le cas. Défaire et refaire, c’est toujours travailler. Il y aussi des problèmes de de compatibilité entre, par exemple,  EDT et STS (logiciel maison). Par exemple, lorsqu’on ne connaît pas encore le nom du prof qui fera le BMP, on peut mettre dans EdT M.X, mais STS ne l’accepte pas… Autre exemple, EDT peut nommer des groupes comme le souhaite le chef d’établissement
mais cela ne respecte pas forcement la nomenclature de STS (8 caractères maximum). Ce genre « d’incompatibilités » peuvent passer de EDT à l’ENT mais alors il n’y aura plus accord entre les bases ENT et Siècles-STS. On perçoit bien les enjeux de l’intéopérabilité plus que de la compatibilité.
 
Finalement, est-il étonnant par la suite de voir un ENT qui ne sait pas gérer tout seul les absences des élèves (sujet crucial) , qui ne sait pas faire des moyennes ? Pas tellement !
Les parents qui ne peuvent retrouver les notes et absences de leurs enfants car tous ces fichiers sont moyennement compatibles ! Pas de problèmes, la vie scolaire téléphone, les collectivités payent !
Alors, notre Néo est-il le seul responsable (et puis il a d’autres problèmes le pauvre, faire des emplois du temps avec 15% d’heures supplémentaires, la gestion au quotidien, l’ASSR, essayer de faire en sorte que plus de filles aillent dans le technique, les classes sans notes, le projet d’établissement… ) ?
Non, Il a à ses côté son spécialiste informatique (souvent un enseignant), prince de l’école numérique, qui sait depuis tout petit que le libre c’est le mal (ben oui, c’est souvent gratuit) et qui vous répondra si vous mettez en doute l’honnêteté d’un tel dispositif :
Cela ne remet pas en cause l’honnêteté du dispositif. L’export des
fichiers de Pronote/EDT vers l’ENT résulte d’une entente et d’un travail
en commun entre index éducation et kosmos alors il est normal qu’ils
protègent les données des utilisateurs tout en ne permettant pas à des
logiciels tiers de les intégrer …
Ce passage est tiré de la liste de diffusion des gestionnaires ENT de l’Académie de Toulouse ! Quand je vous disais Neandertal , j’étais optimiste. Il est donc normal pour certains que des données publiques fassent l’objet de transactions entre éditeurs. N’oublions pas qu’au final, les collectivités directement ou indirectement payent… Merci les collectivités, c’est mignon tout plein. Aller, zou, on a fait un joli dessin avec un logiciel libre du nom de Inkscape pour expliquer ce que l’on pense être vrai. Si le dessin est moche, ce n’est pas la faute du logiciel, c’est juste à cause de nous. Bref, revenons à notre affaire pour laquelle, bien sûr, nous sommes preneur de démentis… On ne demande qu’à en savoir plus sur les petits accords signés dans le secret avec des données, rappelons-le, produites par des agents de l’État (au mois d’Août en plus !)
dessin
En guise de « teasing », dans un prochain article on comptera combien nous/vous coûtent les licences MS OFFICE (préparez vous à la réponse très populaire chez nous : C’est gratuit pour l’éducation nationale !)

Les gentilles collectivités, indirectement ou non, payent

Et un dernier mot pour les collectivités, puisque vous êtes obligé de tout reprendre, profitez-en pour faire une belle belle remise à zéro, éliminez ces « rentiers » qui parasitent le système et laissez travailler ceux qui le souhaitent sur du GNU/Linux, du libre Office et laissez nous, mettons, la moitié de l’argent économisé pour de vraies activités pédagogiques. Nous avons des missions de service public à assurer et pas entretenir un écosystème propriétaire et fermé. 🙂

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